Historique

La Société archéologique de Tarn-et-Garonne voit le jour en décembre 1866, résultat de la rencontre de deux passionnés, Jean-Ursule Devals (1814-1874), archiviste, paléographe, historien, collectionneur et « archéologue » comme on l’était au XIXe siècle, et Fernand Pottier (1838-1922).

Alors que le jeune Pottier fait son séminaire entre la fin des années 1850 et le début de la décennie 1860, il profite des vacances pour parcourir le Tarn-et-Garonne en compagnie de son ami de collège, Eugène Trutat (1840-1910), pionnier de la photographie en région toulousaine. C’est alors qu’il fait la connaissance de Devals, qui lui aussi arpente les champs à la recherche de vestiges romains et des traces de ce qu’il croyait être des « camps gaulois ». Si le jeune séminariste est âgé d’à peine plus de vingt ans, Devals, approchant la cinquantaine, est une personnalité incontournable dans le département. Pottier se lie d’amitié avec lui, malgré le caractère ombrageux voire rigide de son aîné. Tous deux allaient devenir les pierres d’angles de la Société, l’un apportant son expérience et son crédit, l’autre sa jeunesse mais surtout ses qualités d’organisateur et d’animateur.

En septembre 1862, accompagné de Trutat, Pottier découvre des pierres taillées préhistoriques sur l’un des sites de Bruniquel, appelés à une notoriété internationale. L’importance de ses découvertes, révélées en 1863 au cours du 30e congrès de la Société française d’archéologie, qui se tint cette année-là à Albi et Rodez, entraîne la décision d’organiser une partie du congrès de 1865 en Tarn-et-Garonne.

Pottier se dépense sans compter pour l’organiser, aidé par Devals et le baron de Rivières (1835-1908), et soutenu par le maire de Montauban, Adrien Prax-Paris. La première partie du 32e congrès de la S.F.A. se déroule à Montauban du 7 au 16 juin 1865. Elle est non seulement un grand succès mais surtout un révélateur et un déclencheur. Pour la première fois, des savants et des érudits se réunissent pour faire le point sur le patrimoine et l’Histoire de ce jeune département créé en 1808, moins de soixante ans plus tôt. Les intervenants tentent, chacun avec ses convictions, de rassembler toutes les données accessibles sur la Préhistoire, l’Antiquité, le Moyen Âge, l’héraldique, la toponymie, l’onomastique, les traditions, coutumes et croyances populaires…

Publiés en 1866,  les actes du congrès constituent un jalon essentiel de l’Histoire du Tarn-et-Garonne. Les notes, mémoires et rapports qu’il renferme concentrent la connaissance que l’on avait alors du territoire. Ayant pris conscience de l’étendue de la question, les intervenants du congrès décident, après la clôture de celui-ci et sous l’impulsion de Pottier, de se retrouver régulièrement afin d’échanger sur leurs travaux et leurs découvertes.

Convaincus de l’utilité de leurs travaux, ils ressentent très vite le besoin d’officialiser leur petit groupe. Le 6 décembre 1866, ils se réunissent à l’hôtel de ville de Montauban pour une séance constitutive, et le 17, le préfet de Tarn-et-Garonne signe un arrêté donnant naissance à la Société archéologique. Ils sont vingt-cinq fondateurs, du plus jeune, M. de Coustou-Coysevox, vingt ans tout juste, au plus âgé, M. d’Arnoux-Brossard, soixante-douze ans. Pottier est élu président, titre qu’il conserve jusqu’à sa mort, près de cinquante-cinq ans plus tard.

Depuis sa première réunion, le 23 décembre 1866, la Société n’a jamais cessé d’explorer le passé du Tarn-et-Garonne. Afin de conserver la mémoire de ses travaux, elle décide dès sa fondation de se doter d’un bulletin dont la parution tarde, faute de moyens.

Le tout premier tome couvre l’année 1869-1870. Conséquence de la guerre entre la France et la Prusse, puis des événements de la Commune de Paris, le deuxième tome ne paraît qu’en 1872, et c’est à partir de 1876 que la publication devient régulière.

La Société a toujours donné un niveau élevé à ses publications dont beaucoup font encore autorité. Pionnière dans bien des domaines dont celui de la photographie, active au point de participer à tous les congrès, aux réunions savantes organisées par la Sorbonne, de voyager partout en France, en Europe et au-delà, elle fait référence, durant plusieurs décennies, auprès des institutions et des savants.

Dès ses débuts, poussée par Devals qui rêve de concrétiser un vieux projet, la Société entreprend de créer un musée archéologique dans la grande salle du XIVe siècle située sous de l’hôtel de ville de Montauban, actuel musée Ingres. Ce projet est mené à bien de 1869 à 1877 et le grand vaisseau gothique réhabilité prend le nom de « salle du Prince Noir ».

Des fouilles sont entreprises dans l’abbatiale de Saint-Pierre de Moissac en 1902 et à Montauriol sur le site de l’ancienne cathédrale de Montauban en 1909-1910. Il va sans dire que cette activité est depuis longtemps été abandonnée, la législation et les autorités actuelles ne délivrant des autorisations qu’à des équipes beaucoup plus spécialisées.

De grandes expositions sont organisées, certaines, en 1869 et 1877, pour faire connaître le patrimoine local, d’autres pour marquer les temps forts de la vie de la Société : Noces d’argent de 1891 (25 ans), cinquantenaire de 1916, célébré en 1920 à cause de la guerre. La grande exposition  » artistique et rétrospective  » de 1897 comporte une riche section photo dans laquelle figurent des créations relevant du courant pictorialiste, qui font s’exclamer M. de Bellefon, le président de la section photo :  » La photographie d’art existe ; après notre exposition la preuve de cette affirmation n’est plus à faire « .

La grande période d’essor et de prospérité s’achève juste avant la Grande Guerre, avec un ralentissement de l’activité. Le chanoine Pottier décède en 1922, remplacé par le dynamique Renaud de Vezins, homme du monde et artiste de talent qui trouve malheureusement la mort en 1932 dans un accident de la route.

 Les présidents qui lui succèdent, malgré leur bonne volonté, ne peuvent rien contre les conséquences de la guerre qui change radicalement la société française. Les soucis financiers, l’évolution des mentalités, modifient l’action de l’association. Cet essoufflement se répercute sur les publications, les bulletins sont beaucoup moins riches et la deuxième Guerre mondiale vient aggraver la situation.

II faut attendre au moins les années 1950 et la présidence du chanoine Pierre Gayne pour que la société connaisse un renouveau. Le nombre d’adhérents augmente, les conférences et les excursions sont à nouveau suivies. L’une d’elles, renouant avec la tradition, amène ses participants en Égypte en 1967. Au plan régional, les sociétés savantes des départements se regroupent dans des fédérations. Le Tarn-et-Garonne est naturellement rattaché à celle de Toulouse, à présent Fédération historique de la région Occitanie.

Des congrès annuels ont lieu à Montauban en 1954, 1972 et 1986, à Moissac en 1963 et 2003 (partagé avec Agen), à Beaumont-de-Lomagne en 1965 (partagé avec Toulouse). En 1966, le chanoine Pierre Gayne a la joie de célébrer avec éclat le centenaire de la Société.

De nos jours, la Société continue sur sa lancée. Les bulletins ont repris de l’ampleur et profitent d’une présentation plus attrayante. Elle connaît bien sûr des hauts et des bas, et subit les conséquences des fluctuations économiques, c’est ainsi. Mais par delà les vicissitudes, l’espoir demeure cependant car, comme le soulignait Mathieu Méras, président de 1966 à 1979 : « Tant qu’on s’intéressera (..) à cette vie ardente et multiple du passé, nous aurons toujours des amis qui viendront vers nous ».

Jean-Claude FABRE